" La guerre est une chose trop sérieuse pour la confier à des militaires ", disait Clemenceau, jamais avare d’un bon mot. S’il vivait de nos jours, il ajouterait probablement que la Démocratie est une chose trop sérieuse pour la confier à George W. Bush.

 

On nous cache tout, on nous dis rien

Lundi matin, on a eu droit à un scoop : l’armée américaine aurait découvert sur la route de Bagdad une usine d’armes chimiques. En revenant du boulot - enfin, du bureau - lundi soir, je suis donc très impatient d’en savoir un peu plus sur la forfaiture de cet enfoiré de Saddam, qui planquait bel et bien des armes de destruction massive. Surprise : silence radio sur le sujet. S’agissait il d’une horreur si indicible qu’elle devait être pudiquement recouverte du voile de la censure ? S’agissait il au contraire d’une méprise navrante, l’usine en question se révélant être un banal centre de recyclage des crottes de dromadaires en engrais bio ? Une fois de plus, la nouvelle a été engloutie par le torrent impétueux de l’actualité qui emporte tout sur son passage.

Sur le front des images, c’est sans conteste Fox News qui remporte l’Oscar de l’imbécillité propagandiste et de la surenchère militariste. La chaîne d’infos en continu de Ruppert Murdoch bombarde de la connerie par kilotonnes, avec toutefois moins de grâce qu’un B52. En regardant Fox News, il me vient parfois l’envie d'utiliser ma télé en guise de papier toilettes. Comme cela est techniquement impossible, j'utilise plutôt le quotidien britannique " The Sun " (autre " fleuron " du groupe de Ruppert Murdoch) qui est mieux adapté à cet usage hygiénique.

http://www.thesun.co.uk

 

Catch me if you can

Pendant ce temps-là, mais où se cache donc Saddam Hussein ? Est-il mort, est-il vivant, est-il planqué au fin fond d’un bunker ou caché incognito dans une mosquée ? Malgré ses moyens démentiels de renseignement, la CIA n’a toujours pas réussi à localiser précisément le dictateur irakien. C’est bête, mais pour avoir l’emploi du temps précis du Raïs, il suffisait de consulter la rubrique potin de " La Gazette de Tikrit " (sa ville natale).

Exemple, lu dans le numéro d’hier matin, d’une journée type :

• 6h30 : réveil au camping de l’Euphrate, à coté du Parc Saladin, dans la banlieue sud de Bagdad. Le Raïs a trouvé cette astuce pour échapper aux bombardements : il occupe le bungalow n°432 dans la cinquième allée en partant de l’accueil. Petit déjeuner copieux et équilibré à la buvette du camping en regardant les aventures de " Akbar le petit éléphant " sur Télé-Bagdad.
• 9h30 : va prendre son thé à la menthe chez Ahmed, 17 rue de Bassorah, dans le 12^ème arrondissement de Bagdad. En profite pour taper le carton avec Tarek Aziz.
• 11h00 : passe à la Caisse d’Epargne (5 place Ali Baba) chercher son argent de poche de la semaine, un milliard de dinars irakiens (1). En sortant, achète son programme Télé-Ramah au kiosque à journaux situé au coin sud de la place, sous un dattier.
• 12h30 : va déjeuner chez son fils Oudaï, qui habite un luxueux pavillon situé 43, Boulevard du 17 janvier 1991, au nord-est de la capitale irakienne. Fait des remarques désobligeantes à sa belle-fille sur la cuisson du couscous.
• 16h30 : après la sieste, va assister à une torture d’opposants au commissariat du 15^ème arrondissement, situé 9 avenue Shéhérazade. Etre dictateur, c’est quand même du boulot, et il faut bien s’en occuper même en temps de guerre.
• 18h00 : passe au ministère de l’information pour faire son point de presse quotidien pour Iraq-TV. " Je vais transformer les soldats américains en bâtonnets de surimi et je vais les bouffer avec de la sauce béarnaise ! ", déclare t-il aujourd’hui. Propos particulièrement révoltants, surtout d’un point de vue gastronomique. Nota bene : l’enregistrement est effectué dans le studio n°34, situé au 3^ème étage, coté nord du bâtiment, à coté de la photocopieuse.
• 19h30 : va dîner chez son autre fils Koussaï qui habite au 52 rue Iznogoud. Au programme : méchoui et merguez au barbecue. Saddam ayant un très gros appétit, cela expliquerait les colonnes de fumée que l’on a aperçu dans ce quartier de Bagdad, et non à des tranchées remplies de pétrole en feu comme on l ‘a annoncé un peu rapidement.
• 22h30 : retour au camping. Vu qu’il n’y a pas de concours de tee-shirts mouillés, et que les programmes de Télé-Bagdad sont vraiment à chier, prend un lait chaud et va au lit.

Si, après ces informations, les américains n’arrivent pas à le choper, ce sont vraiment des gros nuls.

 

Oncle Bob.

 

(1) Environ 300 000 Euros. La fortune du dictateur irakien, provenant de traffic divers (dont ceux de l ‘aide humanitaire), s ‘élèverait entre 2 et 10 milliards d’Euros.