Saint Petersbourg, c’est la ville de Pierre le Grand, fondateur de la Russie moderne, celle qui abandonne les vieilles traditions des boyards pour se tourner résolument vers l’Occident. En arrivant à la cour du Tsar, les nobliaux de province étaient obligés de se raser la barbe, de boire du café et de manger avec une fourchette, alors qu’ils auraient pu tranquillement rester dans leur isba au fin fond de la steppe en regardant le feu de bouleau crépiter dans la vieille cheminée de pierre tout en mangeant leur bortsch dans une écuelle en bois, en cuvant leur vodka et en se grattant les testicules par désoeuvrement.
Pierre 1er, le Grand, était surnommé ainsi non seulement car c’était un souverain exceptionnel, mais à cause de sa grande taille : plus de deux mètres. Catherine II, la Grande, était aussi une sacrée bonne femme, même si elle affichait au moins 50 centimètres de moins que son prédécesseur. La ville, qui vient de fêter son tricentenaire, est un musée à ciel ouvert : on ne compte plus les palais et les demeures de prestige. Cela s’explique en partie par le tempérament de Catherine. La Tsarine avait en effet l’habitude d’offrir un palais à chacun de ses amants déchus, et ceux-ci furent nombreux. En signe de disgrâce, l’amant éconduit recevait une demeure dont le nombre de pièces était directement indexé à ses performances passées. Ce qui me fait dire que si tous les russes s’étaient comportés comme des moujiks, Saint Petersbourg ressemblerait aujourd’hui plus à Aulnay-sous-Bois qu’à la Venise de la Baltique. Sacrée Catherine !
En se promenant dans ses rues, le long des ses canaux, on sent parfois revivre l’ambiance des siècles passés, avec ses grands écrivains romantiques et tourmentés : Pouchkine, Tourgueniev, Dostoïevski. Comprendre l’âme russe n’est pas une chose facile : les sentiments sont poussés à leur paroxysme, au détriment de la raison. Sur ce point, les avis sont partagés entre Rita, notre charmante accompagnatrice, qui partage sa vie entre la France et son pays d’origine, et Olga, notre non moins charmante guide locale, beaucoup plus slavophile.
La barrière de la langue y serait pour beaucoup. La visite du quartier de Dostoïevski m’a donné l’envie de lire en version originale l’œuvre principale de cet immense écrivain. Comme je ne maîtrise pas intégralement le cyrillique, quelques erreurs de traductions on pu se glisser dans le résumé que je vais en faire.
Le héros, Raskolnikov, est employé dans une société d’Assurances où il passe le plus clair de son temps à taper des documents Word et à envoyer des mails. Conscient de la médiocrité de son existence, il décide de donner un sens à sa vie en se confectionnant une bonne " Crème aux Potirons " (d’où le titre du livre, et non " Crime et Châtiment " comme on le traduit d’habitude, avec un peu de laisser-aller). Il sort donc pour aller acheter un potiron chez le tchétchène du coin, mais pas de bol, c’est fermé à cause de l’anniversaire de la Révolution d’Octobre. Raskolnikov se dit que finalement c’est pas grave, il va retourner chez lui pour regarder " Star Akedemovsky ", son émission préférée, et après il ira tranquillement au dodo pour bien se reposer en attendant de retourner le lendemain au bureau.
Après ce résumé, il m’est difficile de trancher le débat sur le tempérament russe, mais une évidence s’impose : le Russe, c’est pas de la tarte à comprendre. Le plus simple pour vraiment s’imprégner de l’âme russe, c’est encore de goûter sans retenue aux deux fleurons de leur gastronomie : le caviar et la vodka.
Le caviar, c’est ce que mange les nouveaux russes au petit déjeuner. Comme je ne suis pas un nouveau russe, je me contente de le goûter du bout de la petite cuillère. Quand même, à 40 euros la boîte de 100 grammes … Mais c’est très bon ! Si on n’a pas les moyens, on peut toujours tenter de verser de la sauce nioc-man sur de la semoule à couscous, mais c’est quand même pas pareil.
En revanche, pour boire de la vodka à gogo, il faut aller chez Sergueï, à Pavlovsk. C’est là que le président Poutine va fêter son anniversaire avec ses potes. En sortant de chez Sergueï, pas de risque de tomber en panne de kérosène à 30000 pieds au dessus de la Baltique, il suffit de souffler un bon coup dans le réservoir pour pouvoir aller se poser sans problème jusqu’au Danemark.
Outre chez Sergueï, nous avons déjeuné dans plusieurs adresses d’exception, comme le Metropol et le Palais du prince Vladimir au bord de la Neva, et assisté à un spectacle inoubliable au Palais Nikolaïevski tout en se goinfrant de petits fours au caviar au moment de l’entracte. Avec le reste du budget, il n’était pas possible d’aller dormir à l’hôtel Astoria ou à l’Europa comme le font les grands de ce monde, il fallu donc se contenter de l’hôtel Moskva, sans luxe ostentatoire, mais bien tenu et situé à coté du métro. Le principal intérêt de l’hôtel Moskva est le bar du rez-de-chaussée qui présente à partir de 23 heures un spectacle nettement moins culturel que celui du Palais Nikolaïevski, mais tout aussi inoubliable. Et si on ne se contente pas de prendre une vodka à 100 roubles, on peut opter pour le " Crazy Menu ", mais là il n’y avait pas les prix.
On pourrait encore passer des heures à commenter ce beau pays où les filles comme les blés des plaines de l’Oural avant la moisson du kolkhoze, donc le mieux pour terminer est d’aller voir quelques photos numériques à l’adresse :
http://robert.moussu.free.fr/Voyages/Russie/Russie.htmOncle Boris Hamsterovitch Bobov.